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Cybercriminalité : trois chefs d’entreprise soupçonnés d’avoir piraté 8000 Français
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31 janvier 2019, 21h29 | MAJ : 01 février 2019, 10h02
« Trois hommes, de 30 à 54 ans, ont été interpellés mardi dans le Rhône. Ils sont soupçonnés d’avoir capté 2 millions d’euros à des milliers de Français grâce à une astucieuse arnaque au faux support informatique.
Plus de 8 000 victimes, un préjudice de 2 millions d’euros et trois suspects au profil inattendu. Selon les informations du Parisien – Aujourd’hui en France et de France Inter, les gendarmes du centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) viennent de démanteler un réseau de pirates informatiques au mode opératoire très sophistiqué. Une première en France au regard de l’ampleur de la fraude, organisée selon un système de faux support informatique.
Trois suspects, âgés de 30 à 54 ans, ont été interpellés mardi dans le Rhône dans le cadre d’une enquête ouverte en mai 2018 à la section F1 (cybercriminalité) du parquet de Paris. Fait notable : ces hommes sont tous des chefs d’entreprise de la région lyonnaise, évoluant dans le domaine des assurances. Et deux d’entre eux sont millionnaires !
À l’issue de leur garde à vue, ils ont été mis en examen jeudi soir par un juge d’instruction, notamment pour pour « escroquerie et blanchiment en bande organisée » et « introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé de données ». Les suspects ont été placés sous contrôle judiciaire. Le parquet avait requis la détention provisoire pour deux d’entre eux.
Des fenêtres intempestives de sécurité
Les premières victimes se sont signalées en décembre 2017 sur la plate-forme cybermalveillance.gouv.fr. Elles relatent toutes les mêmes faits : à l’occasion d’une navigation sur des sites Internet traditionnels -de cuisine, ou de vidéos par exemple-, elles ont constaté l’ouverture de fenêtres intempestives de sécurité adoptant en tout point les codes et logos officiels de Microsoft ou Windows.
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De faux messages d’alerte qui informent l’utilisateur que celui-ci a été victime d’un virus ou d’une erreur critique. « Windows a détecté une altération des données », peut-on par exemple lire, quand il ne s’agit pas une simulation « d’écran bleu ». Piégé par une astuce informatique des escrocs, l’internaute ne parvient pas à fermer ces fenêtres.
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« Les messages sont tellement anxiogènes que la victime a l’impression que son système d’exploitation a planté, que son ordinateur est malade, explique le colonel Jean-Dominique Nollet, patron du centre de lutte contre les criminalités numériques de la gendarmerie. Or, il n’y a pas vraiment de blocage. Il suffirait simplement de redémarrer son ordinateur mais les messages invitent à ne surtout pas le faire. »
2 millions d’euros captés
Au contraire, l’internaute est incité à appeler au plus vite un support technique officiel à un numéro français. Faute de quoi son appareil sera inutilisable. À l’autre bout du fil, de faux techniciens ou développeurs proposent une intervention à distance facturée de 99 à 500 euros, selon la formule.
Pour convaincre l’utilisateur, les imposteurs n’hésitent pas à inventer de lourdes conséquences informatiques en cas de refus. « L’intervention peut durer plusieurs heures. Le faux technicien se livre à des manipulations inutiles : utilisation d’un antivirus, installation de logiciels gratuits… Il suit une fiche de réflexes pour rassurer la personne et lui faire croire qu’il sauve son ordinateur », poursuit le colonel Nollet. À la fin de l’intervention, l’utilisateur doit communiquer ses coordonnées bancaires, parfois sous la menace de représailles de piratage.
Généralement, les victimes se rendent compte bien plus tard de la supercherie, en discutant avec des proches avertis ou en constatant sur leurs comptes de nouveaux virements. « Domiciliées sur l’ensemble de la France, les victimes sont majoritairement de personnes âgées, autour de la soixantaine, mais il y en a de tous âges, indique la vice-procureure Alice Cherif, cheffe de la section cybercriminalité. Face à l’ampleur du phénomène, le parquet de Paris, qui dispose d’une compétence nationale, a réuni l’ensemble des plaintes évoquant le même mode opératoire. » Selon la magistrate, le chiffre de 8 000 plaignants, pour deux millions d’euros captés, est probablement minoré. Et des victimes s’ignorent.
Faux opérateurs installés au Maghreb
L’enquête des gendarmes révèle que des Français, spécialistes dans la dissimulation, sont à la tête du réseau. Des escrocs au train de vie dispendieux qui auraient mis en place la fraude et formé les faux opérateurs, installés quant à eux au Maghreb. Les enquêteurs ont identifié ces trois hommes en remontant les flux financiers jusqu’à l’international et en traquant leurs rares traces numériques. Des surveillances ont aussi été diligentées… jusqu’à leur interpellation dix mois plus tard.
« Cette délinquance, qui était encore peu développée en 2016, a tendance à augmenter, insiste la cheffe de la section cybercriminalité. C’est pourquoi le parquet de Paris appelle à la vigilance et incite toute personne ayant été victime de tels agissements à ne pas hésiter à déposer plainte. » »